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ARTICLE

 

2. L'influence des guerres sur notre système familial

 

 

Le 11 novembre 2008, la France et l’Europe célébraient les 90 ans de l’Armistice de la guerre 14-18, la Grande guerre… L’émoi qui peut encore se ressentir, trois à cinq générations plus tard, lors de ces journées de commémoration, témoigne de l’ampleur de l’impact de cette guerre, sur les systèmes familiaux.   Huit millions de jeunes hommes français seront mobilisés, dont certains avaient 17 ans, deux millions ne reverront jamais le clocher de leur village.

 C’est la guerre de nos arrière-grands-pères, de nos grands-pères, ceux dont  les noms s’alignent sur les monuments aux morts, ceux qui sont rentrés amputés, gazés, fauchés dans leur insouciance.

Cette guerre laissa une profonde blessure dans la descendance des orphelins qui ont perdu un père, mais aussi pour les « orphelins de cœur », c’est-à-dire toutes ces familles qui se sont construites avec l’absence. Des enfants nés au début de la guerre grandiront sans père jusqu’à l’armistice. Derrière le héros, se cache un homme souvent brisé et hanté par ce qu’il a vécu. Nombreux de nos « poilus » ont fondé une famille, mais beaucoup ont gardé leur cœur relié à leurs compagnons de guerre ou aux jeunes hommes ennemis qu’ils ont tués. Ces pères rescapés n’ont pas été totalement disponibles émotionnellement pour leur famille. C’est toute une génération d’énergie masculine qui a été affaiblie dans ce qu’elle pouvait donner.

 

Le soldat était aussi un fils, un frère, un fiancé… Des familles ont vu mourir,  tous leurs garçons sur les champs de bataille… Aux victimes qui n’ont pas combattu, la Grande Guerre a volé un être, un rêve, un cœur. Les habitants des zones de combats ont aussi perdu leurs biens ou ont été blessés sous les bombardements.

 

L’Histoire de la France du XXème siècle se conjugue avec la Guerre. Ce sera ensuite la deuxième guerre mondiale, différente de la première. C’est une guerre qui envahit et touche toute la population, la découpant entre ceux qui résistent et ceux qui collaborent (85% des juifs déportés de France seront arrêtés par la police française).  Là encore, la population masculine est touchée et affaiblit, elle peut porter soit un héros, soit un traite. Mais l’impact est beaucoup plus large, la population civile est largement menacée, elle participe activement. Les femmes ont un rôle fondamental dans la résistance et combien ont perdu un ancêtre ou toute leur famille dans un bombardement, une rafle, sans parler des conséquences indirectes de la guerre, la malnutrition, la maladie…

 

Viendront ensuite la guerre d’Indochine et la guerre d’Algérie, des guerres lointaines et secrètes ou la torture et les exécutions seront de mise. La France aura bien du mal à livrer son histoire, spécialement en Algérie, à prendre sa responsabilité et à intégrer les Harkis, douloureux rappel de ce que les soldats ont le plus perdu : leur intégrité.

Chaque guerre est unique, elle porte ses complexités et ne s’arrête pas le jour de l’armistice, ses conséquences se perpétuent sur plusieurs générations. Parfois la guerre suivante, réveille les blessures de la précédente et l’on trouve un fils qui part au combat comme son père est parti 20 plus tôt.

 

Ces situations de guerre ont une forte influence sur les générations suivantes

 

  • Déportation et extermination de la famille, dans les camps nazis.

  • Membre de la famille ayant survécu aux camps de concentration ou de prisonniers.

  • Fuite ou clandestinité, pour sauver sa vie et celle de sa famille.

  • Décès d’un ou plusieurs membres de la famille, civils ou militaires durant les combats, par fusillades, bombardements, etc.  ou par des conséquences annexes à la guerre (malnutritions, maladies…)

  • Membre de la famille dans la résistance.

  • Membre de la famille, nazi ou collaborateur.

  • Membre de la famille ayant fusillé, dénoncé, exterminé, violé et volé.

  • Né durant la guerre.

  • Né d’un parent, appartenant au camp ennemi.

  • Membre de la famille, ayant eu des relations sexuelles avec l’ennemi.

  • Membre de la famille déserteur.

  • Réalisation de la fortune familiale sur des biens spoliés aux victimes.

  • Famille ayant perdu tout leur bien, faillite et ruine.

 

Perpétuer, réparer, ressembler : une tâche pour les descendants

 

Que l’on soit enfant ou petit enfant de nazis ou de tortionnaire, de résistants, de soldats ou de déportés, de victimes ou de survivants, la guerre peut continuer à nous influencer de manière suivante :

  • Le potentiel de ce qui est donné de parent à enfant est affaibli, par l’absence physique (mort) ou l’absence émotionnelle (indisponibilité, regret, traumatismes, etc.), par le deuil, la tristesse, le désir de vengeance, donnant des difficultés pour les générations suivantes à prendre leur place.

  • Un descendant cherche à faire revivre le soldat ou le héros que ce soit un homme ou une femme. On parlera d’identification, souvent favorisée par les parents qui donnent le même prénom. Cette identification s’accompagne d’émotions étrangères appartenant à l’ancêtre ou à ses proches : colère, tristesse, sentiment d’injustice.

  • Un descendant est attiré par la mort, surtout si une grande partie de sa famille a disparu, comme dans les familles de populations exterminées (juifs, tziganes, etc.). Il peut s’empêcher de vivre, se refusant le droit au bonheur.

  • Le descendant cherche à réparer ou à payer une dette pour des actes criminels ou injustes commis par un membre de son système (tortionnaire, viols ou actes criminels sur la population civile, nazie…). Il peut offrir sa vie en compensation de celles qui ont été injustement retirées (suicide, maladie grave, accident..)

  • Des dates anniversaires apparaissent dans les systèmes familiaux, le jour du retour du héros, le jour de sa mort, la date du bombardement et même le 11 novembre ou le 8 mai peuvent marquer des naissances ou des faits particuliers pour certaines familles.

  • Des générations entières de jeunes hommes appartenant au même pays, peuvent refuser de prendre totalement l’énergie masculine, mémorisée inconsciemment comme despotique, violente, excessive.

 

Comment s’en libérer ?

 

La première étape est bien sur la connaissance de l’histoire de sa famille et son implication dans les différentes guerres : pourquoi en parle-t-on tout le temps ou pourquoi, n’en parle-t-on jamais ? Qui est le Héros, qui est tabou ou oublié ? Qui a souffert, qu’est ce qui a été perdu ou injustement gagné, etc.…

Tous les évènements d’un système familial ne touchent pas avec la même force, quel est celui qui aujourd’hui hante encore mon inconscient ? Quelle guerre je continue à mener ou quelles victimes m’habitent ?

De nombreuses pratiques comme la Psychogénéalogie, les Constellations Familiales permettent de mettre en lumières ces liens inconscients et surtout de s’en libérer pour que ces hommes et femmes qui ont traversé les guerres avec courage et force deviennent des soutiens pour aller vers notre propre destin et ceux dont on est moins fier, retrouvent leur dignité et leur responsabilité, dans une Justice plus grande.

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