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1. Les Constellations Familiales ou comment libérer les empreintes familiales

 

 

Qui régit notre vie ?

 

Nous appartenons tous à une famille que nous soyons en lien avec elle, qu’elle nous ai abandonnés, ou que nous ayons quitté le nid familial depuis longtemps... nous sommes tous le fils ou la fille d’un père et d’une mère, eux-mêmes les enfants de leurs parents. De cette lignée familiale, nous ne recevons pas seulement la couleur de nos yeux ou de nos cheveux, un trait de caractère, un don, nous héritons également d’un ensemble de comportements inconscients liés aux événements traumatisants ou non résolus de la famille. Ce sera un oncle mort trop jeune à la guerre ou déporté, une grand-mère morte en couche, un suicide, un enfant naturel ou abandonné, un grand amour perdu, l’immigration de la famille...

Ces événements qui parfois touchent des membres de notre famille inconnus, influencent inconsciemment notre vie actuelle, notre santé, nos relations affectives, notre créativité...

 

Les lois familiales et les lois individuelles

 

Le besoin d’appartenance est un besoin fondamental chez l’être humain, il se retrouve chez beaucoup d’animaux, spécialement chez ceux qui vivent en troupe. Ce n’est pas dans la partie cérébrale supérieure, siège de la conscience individuelle, que s’inscrit cette ordonnance mais dans le cerveau reptilien, la partie la plus profonde du cerveau que nous avons en commun avec les animaux.

De ce fait ces lois familiales, auxquelles nous sommes inconsciemment soumis, prédominent sur nos besoins individuels. L’individu est prêt à tout, même à mourir pour mériter son appartenance à son groupe familial.  

Les lois familiales sont  diverses,   prenons par exemple, la loi de complétude :

Chaque membre de la famille a droit à sa place dans le système familial, s’il en est exclu, quelle que soit la raison, alors un descendant  s’identifiera à son ancêtre et reprendra à son compte son destin, comme pour honorer cette personne, permettre que son souvenir demeure dans la famille ou encore pour le remplacer dans le cœur de ceux qui l’ont  aimé.

Il est fréquent de découvrir qu’un enfant est identifié, par exemple, au frère de sa mère, décédé très jeune. Par amour, l’enfant cherche à remplacer ce frère manquant, tant il sent la tristesse que ce deuil a laissée dans le cœur de sa maman.

 

Voici un autre exemple d’identification, apparu lors d’une Constellation Familiale:

Un jeune femme souffre de sévère psoriasis lui interdisant toute vie sociale normale, elle a honte de se montrer. En installant sa Constellation Familiale,   une grande tante juive prédomine manifestement. Elle a été obligée de se cacher dans des conditions très difficiles, pendant  toute la durée de la guerre.  La petite-nièce est complètement identifiée à sa grande tante, comme elle, elle est exclue et doit vivre  cachée. Dans ce cas, les faits sont différents mais les conséquences similaires. Parfois dans certaines identifications, la similarité entre les générations porte aussi bien sur les faits que sur les conséquences.

Alors quelle vie vivons nous ? la nôtre ou celle d’un ancêtre ?

 

La méthode des Constellations Familiales

 

Depuis les années 1970, de nombreux thérapeutes étudient ces forces cachées du système familial, dont Bert Hellinger,   psychologue allemand  qui créa en 1980 la méthode des “Constellations familiales” pour révéler  à la lumière, ces forces inconscientes.  

Comment accéder à cet inconscient familial, le décoder et le libérer ? Une des portes d’accès est l’utilisation de l’espace, c’est celle qui sera ouverte dans les Constellations Familiales pour  communiquer avec l’image inconsciente de notre famille.

 

Comment se déroule la Constellation Familiale

 

Elle se déroule en groupe; la personne qui souhaite réaliser son repositionnement familial, expose brièvement son vécu actuel et les difficultés psychologiques, physiques, professionnelles ou affectives... qui y sont reliées, ainsi que les faits marquants de sa famille. Il peut s’agir de la famille d’origine: parents, grands-parents... ou de la famille actuelle : partenaire, enfants...

À la demande de l'accompagnant, elle choisit, parmi le groupe, des représentants pour elle-même et les membres de sa famille, impliqués dans la problématique.

Avec recueillement, elle dispose, intuitivement, les représentants dans l’espace de la pièce, révélant ainsi l’image inconsciente de son système familial.  Chaque élément est important, la disposition générale de famille, la distance entre chaque membre, la direction vers laquelle ils regardent...

Peu à peu, pris par le champ familial, les représentants commencent à ressentir des sensations physiques, des émotions, des élans de mouvement, appartenant aux membres de la famille qu’ils représentent. Il est très surprenant  de noter combien le ressenti des représentants correspond réellement au vécu des membres de la famille qu’il incarne.

 

C’est alors que commence une danse entre les éléments fondamentaux de la famille, bien sur les êtres humains qui la composent, mais parfois aussi les pays d’appartenance, les religions, tout ce qui, â un moment de l’histoire, a pu jouer un rôle essentiel.

Guidé par le positionnement de départ, par le ressenti des représentants, par la réalité des faits, le thérapeute réintroduit les personnes absentes ou non-honorées, libère les identifications, aide à l’accomplissement des deuils, à la reconnaissance des souffrances refoulées, des secrets chuchotés...

Des phrases rituelles sont proposées aux représentants à fin de permettre la verbalisation des liens d’amour qui unissent et construisent la famille. A la fin de la constellation, un ordre nouveau est installé dans lequel le constellant réintègre sa place, libre acteur de son destin.

 

Le but de la Constellation est de rendre compatible le besoin d’appartenance à la famille et le besoin individuel. Je peux être un membre à part entière de ma famille, l’aimer et l’honorer sans être obligé d’en porter le destin.  En occupant pleinement ma place comme enfant de mes parents, je m’autorise à être pleinement heureux et créatif.

Il est d’une évidence réconfortante de noter à travers cette approche combien dans une famille, chacun souhaite porter ce qui lui appartient, en être responsable. Le système ne reçoit aucune aide quand un descendant porte le destin d’un de ses ancêtres, bien au contraire, il lui retire de sa  force. Quand les liens d’amour se retissent alors le système  et les individus qui le composent sont en voie de guérison.

 

Les Constellations familiales et les autres thérapies

 

Quand une personne vient consulter, par exemple, pour un problème, avec son père, une psychothérapie classique va investiguer  dans l’enfance du client ou le passé récent, : que s’est-il passé entre ces deux personnes?

Dans les Constellations Familiales ou autre approche psycho généalogique, nous ne nous focalisons pas immédiatement sur le symptôme. Si la fontaine ne coule plus,   il est possible qu’il y  ait un problème dans le mécanisme de la fontaine ou en amont, entre la source et la fontaine. Il suffira que l’on répare, là où le lien d’amour s’est interrompu, pour que la fontaine de vie se remette à couler.

Pierre vient consulter, malgré une vie épanouie professionnellement et affectivement, il sent toujours au fond de lui une grande colère qui gêne ses relations aussi bien dans son travail qu’à la maison. De nombreuses thérapies comportementalistes n’ont pas permis d’évacuer cette colère.

La reconstruction familiale nous dévoilera que la colère que porte Pierre ne lui appartient pas.

Le grand-père de Pierre  est décédé accidentellement alors que son fils (le père de Pierre) n’avait que trois ans. Il est très difficile pour un enfant si  jeune, d’exprimer sa tristesse. Aucun adulte, trop pris dans leur propre souffrance ne lui a expliqué ce qui s’est réellement passé, alors ce qui devrait être de la tristesse se transforme en colère : la colère d’être séparé de son papa. L’enfant qui naîtra sentira cette colère dans le cœur de son père et par amour pour lui, inconsciemment il choisira d’en porter un peu pour le soulager ou se rapprocher de lui. Mais en vain, car personne ne peut porter le destin  ou les sentiments d’un autre.  

À travers la Constellation, Pierre a pu prendre conscience du deuil de son père et lui restituer sa colère et la tristesse qui allait avec. Ce genre de travail est très simple et donne des résultats parfois extrêmement rapides.

 

Des thérapeutes, à un moment donné, se confrontent à une limite, avec certains de leurs  patients, qu’ils aident depuis des années. Il n’est pas négligeable de pouvoir envisager que le problème n’est plus du ressort seul du client mais de l’ensemble de son système familial. Il suffira dans ce cas, d’une ou deux séances de Constellations Familiales pour que la thérapie se débloque et donne ses fruits.

Il est vrai que porter pendant des années le destin de ceux que l’on aime, peut laisser des marques sur la personnalité. Dans ces cas, une psychothérapie classique sera vivement conseillée pour compléter la Constellation Familiale et  réparer ce qui a souffert.

 

La méthode des Constellations familiales est extrêmement simple et puissante. Elle réintroduit dans l’âme familiale cet amour naturel qui fait de nos ancêtres, non plus un poids à porter, mais une force soutenante et joyeuse.

2. L'influence des guerres sur notre système familial

 

 

Le 11 novembre 2008, la France et l’Europe célébraient les 90 ans de l’Armistice de la guerre 14-18, la Grande guerre… L’émoi qui peut encore se ressentir, trois à cinq générations plus tard, lors de ces journées de commémoration, témoigne de l’ampleur de l’impact de cette guerre, sur les systèmes familiaux.   Huit millions de jeunes hommes français seront mobilisés, dont certains avaient 17 ans, deux millions ne reverront jamais le clocher de leur village.

 C’est la guerre de nos arrière-grands-pères, de nos grands-pères, ceux dont  les noms s’alignent sur les monuments aux morts, ceux qui sont rentrés amputés, gazés, fauchés dans leur insouciance.

Cette guerre laissa une profonde blessure dans la descendance des orphelins qui ont perdu un père, mais aussi pour les « orphelins de cœur », c’est-à-dire toutes ces familles qui se sont construites avec l’absence. Des enfants nés au début de la guerre grandiront sans père jusqu’à l’armistice. Derrière le héros, se cache un homme souvent brisé et hanté par ce qu’il a vécu. Nombreux de nos « poilus » ont fondé une famille, mais beaucoup ont gardé leur cœur relié à leurs compagnons de guerre ou aux jeunes hommes ennemis qu’ils ont tués. Ces pères rescapés n’ont pas été totalement disponibles émotionnellement pour leur famille. C’est toute une génération d’énergie masculine qui a été affaiblie dans ce qu’elle pouvait donner.

 

Le soldat était aussi un fils, un frère, un fiancé… Des familles ont vu mourir,  tous leurs garçons sur les champs de bataille… Aux victimes qui n’ont pas combattu, la Grande Guerre a volé un être, un rêve, un cœur. Les habitants des zones de combats ont aussi perdu leurs biens ou ont été blessés sous les bombardements.

 

L’Histoire de la France du XXème siècle se conjugue avec la Guerre. Ce sera ensuite la deuxième guerre mondiale, différente de la première. C’est une guerre qui envahit et touche toute la population, la découpant entre ceux qui résistent et ceux qui collaborent (85% des juifs déportés de France seront arrêtés par la police française).  Là encore, la population masculine est touchée et affaiblit, elle peut porter soit un héros, soit un traite. Mais l’impact est beaucoup plus large, la population civile est largement menacée, elle participe activement. Les femmes ont un rôle fondamental dans la résistance et combien ont perdu un ancêtre ou toute leur famille dans un bombardement, une rafle, sans parler des conséquences indirectes de la guerre, la malnutrition, la maladie…

 

Viendront ensuite la guerre d’Indochine et la guerre d’Algérie, des guerres lointaines et secrètes ou la torture et les exécutions seront de mise. La France aura bien du mal à livrer son histoire, spécialement en Algérie, à prendre sa responsabilité et à intégrer les Harkis, douloureux rappel de ce que les soldats ont le plus perdu : leur intégrité.

Chaque guerre est unique, elle porte ses complexités et ne s’arrête pas le jour de l’armistice, ses conséquences se perpétuent sur plusieurs générations. Parfois la guerre suivante, réveille les blessures de la précédente et l’on trouve un fils qui part au combat comme son père est parti 20 plus tôt.

 

Ces situations de guerre ont une forte influence sur les générations suivantes

 

  • Déportation et extermination de la famille, dans les camps nazis.

  • Membre de la famille ayant survécu aux camps de concentration ou de prisonniers.

  • Fuite ou clandestinité, pour sauver sa vie et celle de sa famille.

  • Décès d’un ou plusieurs membres de la famille, civils ou militaires durant les combats, par fusillades, bombardements, etc.  ou par des conséquences annexes à la guerre (malnutritions, maladies…)

  • Membre de la famille dans la résistance.

  • Membre de la famille, nazi ou collaborateur.

  • Membre de la famille ayant fusillé, dénoncé, exterminé, violé et volé.

  • Né durant la guerre.

  • Né d’un parent, appartenant au camp ennemi.

  • Membre de la famille, ayant eu des relations sexuelles avec l’ennemi.

  • Membre de la famille déserteur.

  • Réalisation de la fortune familiale sur des biens spoliés aux victimes.

  • Famille ayant perdu tout leur bien, faillite et ruine.

 

Perpétuer, réparer, ressembler : une tâche pour les descendants

 

Que l’on soit enfant ou petit enfant de nazis ou de tortionnaire, de résistants, de soldats ou de déportés, de victimes ou de survivants, la guerre peut continuer à nous influencer de manière suivante :

  • Le potentiel de ce qui est donné de parent à enfant est affaibli, par l’absence physique (mort) ou l’absence émotionnelle (indisponibilité, regret, traumatismes, etc.), par le deuil, la tristesse, le désir de vengeance, donnant des difficultés pour les générations suivantes à prendre leur place.

  • Un descendant cherche à faire revivre le soldat ou le héros que ce soit un homme ou une femme. On parlera d’identification, souvent favorisée par les parents qui donnent le même prénom. Cette identification s’accompagne d’émotions étrangères appartenant à l’ancêtre ou à ses proches : colère, tristesse, sentiment d’injustice.

  • Un descendant est attiré par la mort, surtout si une grande partie de sa famille a disparu, comme dans les familles de populations exterminées (juifs, tziganes, etc.). Il peut s’empêcher de vivre, se refusant le droit au bonheur.

  • Le descendant cherche à réparer ou à payer une dette pour des actes criminels ou injustes commis par un membre de son système (tortionnaire, viols ou actes criminels sur la population civile, nazie…). Il peut offrir sa vie en compensation de celles qui ont été injustement retirées (suicide, maladie grave, accident..)

  • Des dates anniversaires apparaissent dans les systèmes familiaux, le jour du retour du héros, le jour de sa mort, la date du bombardement et même le 11 novembre ou le 8 mai peuvent marquer des naissances ou des faits particuliers pour certaines familles.

  • Des générations entières de jeunes hommes appartenant au même pays, peuvent refuser de prendre totalement l’énergie masculine, mémorisée inconsciemment comme despotique, violente, excessive.

 

Comment s’en libérer ?

 

La première étape est bien sur la connaissance de l’histoire de sa famille et son implication dans les différentes guerres : pourquoi en parle-t-on tout le temps ou pourquoi, n’en parle-t-on jamais ? Qui est le Héros, qui est tabou ou oublié ? Qui a souffert, qu’est ce qui a été perdu ou injustement gagné, etc.…

Tous les évènements d’un système familial ne touchent pas avec la même force, quel est celui qui aujourd’hui hante encore mon inconscient ? Quelle guerre je continue à mener ou quelles victimes m’habitent ?

De nombreuses pratiques comme la Psychogénéalogie, les Constellations Familiales permettent de mettre en lumières ces liens inconscients et surtout de s’en libérer pour que ces hommes et femmes qui ont traversé les guerres avec courage et force deviennent des soutiens pour aller vers notre propre destin et ceux dont on est moins fier, retrouvent leur dignité et leur responsabilité, dans une Justice plus grande.

3.Quels âges ont mes parents dans mon coeur ?

 

 

Notre vie est sillonnée d’événements, de lieux, de rencontres et de départ... ces moments mémoire s’inscrivent dans notre coeur avec tendresse ou chagrin. Bien mieux qu’un agenda, ils marquent notre vie comme les rides sur le visage.
 

Si vous aviez quelques instants pour vous tourner en arrière, quels sont les 5 épisodes que vous coifferiez de fondamental dans votre existence ? Par fondamental je suggère

  • la vie n’a plus été la même, après

  • mon regard sur le monde a changé ce jour-là

  • quelqu’un d’important est entré dans ma vie ou l’a quittée

  • un rêve s’est réalisé ou s’est éteint.

 

Dans les événements qu’un individu peut choisir, certains sont des tremplins qui nous propulsent humainement, d’autres figent le temps et nous emprisonnent insidieusement.

A 7 ans quand mon cochon-d'inde adoré est mort, j’ai compris, ce jour là, que la vie et le bonheur avait une limite. Quand adolescence, j’ai quitté l’Europe pour la première fois, partant vers l’aventure, une force a mûri en quelques secondes, le temps d’un décollage d’avion.

Premier vélo, mariage, naissance de son premier enfant, accident de la route, mort d’un parent, réussite d’un examen, divorce, etc... quelque chose a grandit ou s’est figé.

 

Nos systèmes familiaux sont truffés de ces moments-mémoire souffrants où la pendule s’est arrêtée : la guerre, l’immigration, la faillite, la maladie, la mort d’un membre important...

Il y a un avant et un après.  L’avant a gardé en otage une partie des sentiments et des émotions et parfois bien plus. L’après, attend  que les coeurs enfin libérés de la nostalgie, grandissent.

 

Quels sont les deux ou trois événements clefs de votre système familial du coté paternel et du coté maternel?

 

Pour certains systèmes, nous ne parleront pas d’événements mais d’empreintes qui enveloppe : la religion, la pauvreté, la famille nombreuse, la froideur, etc. Comme l’air que l’on respire, on ne sait pas quand et où, cela a commencé.

D’autres encore, connaissent l’empreinte et la marque du temps.

 

Quels âges ont mes parents, ou quel est mon âge dans le coeur de mes enfants?

 

Chez Martine, la marque est très nette. Née d’une famille bourgeoise, la vie semblait couler sans embûche jusqu’à l’âge de ses 9 ans; année où son cadet de 2 ans mourut d’accident. Après l’enterrement, on ne parla plus du jeune frère, la famille écrasée sans doute, sous le poids du chagrin se disloqua. La mère se réfugia chez ses parents avec Martine, le père enlisé dans la discorde avec sa belle famille, perdit son droit d’appartenance, il ne revit plus jamais sa fille.

Pour Martine, la pendule de la vie familiale heureuse s’est arrêtée à 9 ans. Bien sur, elle a continué à grandir, elle s’est mariée et a construit sa propre famille. Mais en elle, il y a toujours une petite fille triste de 9 ans qui attend, des explications, le retour d’un papa, il y a une petite fille qui croit qu’il ne faut pas parler de ce qui fait mal, etc.

Moins les ressources seront présentes pour traverser le choc, plus les aiguilles de l’horloge seront bloquées.

Cette petite Martine sera bien présente dans le coeur de ses enfants, il est bien possible qu’elle y occupe une grande place. Avant eux, c’est la Martine de 9 ans qui s’est mariée en blanc, tenant la main d’un époux qui pourrait bien lui servir de père. Quel âge a mon partenaire ?

C’est ainsi qu’en tant qu’enfant, nous portons en nous l’âge d’un parent, cette marque du temps qui a figé son coeur, dans une souffrance.

 

 Alors que je devrais pouvoir m’appuyer intérieurement sur un parent qui s’est fortifié au fil des épreuves, je rencontre sa blessure et elle me sert d’amarrage pour mon lien. L’enfant choisit de bâtir son lien, sur la souffrance du parent, entre autre, pour trois raisons :

-la souffrance révèle inconsciemment la véritable identité émotionnelle du parent. Qui voudrait d’un parent qui n’a pas souffert lors de la mort de son frère ou de son premier fiancé ?

Même si cette souffrance affaiblit le parent, l’enfant y sent la perspective d’une force en attente, de se déployer. Un être, un couple qui a traversé des épreuves aura plus de consistance que celui qui en a été protégé.

 

  • là ou le parent s’est arrêté, l’enfant inconsciemment, s’arrête aussi. Sur les chemins de randonnées, bien souvent tout le monde ralentit ou se pause au même endroit, avant une difficulté, à la fin d’une montée, pour admirer le paysage, etc. Ceux qui ont marché avant nous, tracent en quelque sorte le parcours. Libre à nous de prendre les chemins de traverse, mais l’enfant est plus enclin à suivre qu’à s’aventurer, cela viendra plus tard...  

  • enfin le parent n’offre aucune autre image, il est tout à sa blessure, la belle au bois dormant est totalement endormie. Les enfants ne connaissent qu’une mère dépressive, un père alcoolique. Ils ne peuvent imaginer que derrière cette souffrance, réside un potentiel abandonné.

 

Quel âge ai-je, si mes parents sont plus jeunes que moi?

 

Si dans mon coeur, mon père à 12 ans et ma mère, 3 ans, quel est mon âge ? Cela pourrait être l’âge d’une mère qui s’occupe d’eux et ainsi nous trouvons des enfants qui nourrissent leurs parents, depuis leur plus jeûne âge. Je me souviens de cette mère de famille qui avait eu son dernier enfant, vers 42 ans, d’une relation extra conjugale qu’elle entretenait depuis longtemps. Elle expliquait fièrement que sa fille de 5 ans était une vraie maman pour elle. La petite était prévenante et se souciait beaucoup des états émotionnels de sa maman. L’état d’enfant est mis de côté et parallèlement une maturité émotionnelle doit se développer pour survenir aux besoins des parents. Ainsi nous trouvons des enfants plus âgés que leurs parents.

Cet état de s’occuper de l’autre devient à l’âge adulte une habitude relationnelle. On trouve des individus très doués pour sauver les autres, mais peu enclins à se valoriser et à prendre soin d’eux- mêmes. L’enfant intérieur abandonné au profit des parents, continue à crier intérieurement et il peut inconsciemment se tourner vers un frère ou une soeur, un partenaire, une secrétaire, un amant et bien sûr ses propres enfants pour recevoir “son biberon affectif” qui aurait dû lui être donné bien des années auparavant.

 

Et puis, il y a des enfants qui ont compris très vite que le parent est émotionnellement un enfant qui n’arrive pas à grandir, mais ils refusent de jouer le rôle de parent de substitution; ils préfèrent déserter.

Cette désertion a un prix, c’est souvent celui de l’exclusion et de l’arrogance : “papa, maman, je ne peux remplir le rôle de parent qu’inconsciemment vous me demandez d’être, alors je me retire de notre famille, je perds mon droit d’appartenir”. C’est un enfant qui quitte le système, pour lui la pendule s’arrête là, à ce renoncement du lien. Dans son baluchon de fugueur, il y l’espoir qu’ailleurs un autre “vrai” parent, un autre système, meilleur, pourra le nourrir et le faire grandir. Il préfère l’abandon à la parentification.

Stéphane est l’ainé de Julien, ce dernier a toujours vécu avec les parents, il a travaillé avec son père puis à sa mort, a repris l’entreprise familiale et s’est installé auprès de sa mère. Sa vie affective est un désert, traversé par quelques aventures, sans lendemain. Stéphane est à l’opposé, il s’est montré très vite indépendant et a quitté le nid familial trop étouffant à ses dires... Il revendique s’être construit par lui même. Sa nouvelle famille est son entreprise, il aime le challenge et le regard que lui portera son patron. Il a construit sa propre famille et exhorte ses enfants, spécialement les garçons, dès leur plus jeune âge, à l’autonomie forcenée. Quand il vient consulter, il est fatigué, en conflit avec ses fils, apeuré par l’intimité, coupable vis à vis de son frère, et son aspect supérieur cache un enfant seul et sans appui. Retrouver le chemin de la maison sera notre travail...

 

Quel âge ai-je, dans mon système familial?

 

Spontanément, quels sont les membres de votre système qui vous attirent, que vous admirez, que vous les ayez connus ou non?

En désertant la cellule parentale, certains ne vont pas très loin, ils demeurent dans le système mais changent de générations ou de camps. Je renonce au lien avec mes parents mais je renforce celui avec mon grand-père ou avec l’oncle qui, lui même s’était exclu ou avec la tante décédée, au destin particulier. Quel âge ont-ils ces ancêtres que j’admire ? L’âge d’un héros de guerre ? d’une jeune enfant malade ? d’un immigrant nostalgique de sa terre natale ? Dans cette nouvelle alliance, une blessure nous attire aussi, mais elle est dans un ailleurs temporel où mon âge voyage. Une identification désincarnée qui me procure le sentiment d’appartenance,  sans la lourde implication de la parentification.

La douleur n’en est que plus voilée et grandissante; alors, avec elle, reprendre le chemin des vivants et y trouver sa place.

 

Et si aujourd’hui je décidais d’avoir l’âge de la victoire, celle de mon système, celle de mes parents et l’âge de ma victoire. Quand je regarde un système, je tourne mon coeur aussi vers les forces qu’il a développées pour traverser ses douleurs, ses épreuves ou tout simplement pour prendre sa place, prospérer, trouver le bonheur.

Cet ancêtre sicilien qui a quitté sa famille pour tenter sa chance en Suisse, je peux choisir de me relier à son adaptabilité, son goût de l’aventure plutôt qu’à sa douleur, et sa nostalgie.

 

Et puis ces potentiels familiaux, abandonnés sous le poids de l’éducation, de l’habitude ou de la peur, si je leur permettais de sortir de leur tombe et découvrir derrière ma mère, femme au foyer, un potentiel d’artiste qui ne demandait qu’à exploser, et qui a simplement végété dans les kermesses du village. Et puis mon père aventureux dans l’âme, qui a renoncé à voyager pour s’occuper de sa famille. Ces talents et dons, ces rêves, si nous leur donnions le droit de transparaître un peu, dans le regard que nous portons à notre famille ?

Et voilà que je sens ma pendule qui a hâte de rattraper le temps perdu et de sonner à tout vent, telles les cloches d’une cathédrale, à l’heure du mariage, celui du passé et du présent...

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